lundi 20 août 2012

Bonus Tracks (II) // L'interview sur le pouce : Odezenne, la drôle de molécule du rap


Pas besoin de rappeler la nécessité de l’O2 qui nous permet de gesticuler et gambader sur notre Eden terrien depuis quelques milliers d’années ! Et puis sans l’H20 comment ferions nous pour concocter les cocktails gorgés de fruits et de fraicheur sans lesquels la vie ne serait qu’un bref marathon sans le moindre ravitaillement ? Toutefois gare au pernicieux CO2 qui grignote la couche d’ozone et menace de faire fondre le joli petit igloo de notre ami l’Eskimo… Bref, si le monde tourne c’est grâce à la chorée-géante de ces petites molécules championnes des chiffres et des lettres. Place maintenant à une nouvelle venue particulièrement facétieuse, dont même votre prof de physique n’a jamais entendu parlé : O2N…

Cette molécule d’un nouveau genre qui voit le jour dans la région de Bordeaux s’est chargée de rajouter une case pour le Rap dans la fameuse table des éléments de Mendeleïev.  Constituée de quatre atomes fondamentaux - Al, Jako, Merlin, DJ Loodjeez et K-Price - elle est très vite infectée par le virus des mots et mute en 02zen puis en ODEZENNE.  Dotée d’un flow acéré, adepte de la phrase qui tue, la monomaniaque sale bébête n’aura qu’un objectif : prendre le contrôle de votre chaîne hi-fi à grand coup de figures de styles ravageuses et d’instrus tonitruantes….. 

On s’est retrouvé nez à nez avec deux de ces atomes, Merlin (comme l'enchanteur) et Al (comme le gros bouton rouge mégalo de 2001 L'Odyssée de l'Espace) en marge d’une de leur mission d’évangélisation, à l’occasion du Festival l’Eté à Pau. Petit debrief de l’accrochage …


Salut Odezenne !  Si vous étiez une bande de publicitaires sans scrupule quels serait le slogan qui qualifierait le mieux Odezenne pour les néophytes ?

Al : «  Vas te faire foutre toi et ton rap ! »

Merlin : Ouaiiiiiiis ! Ca c’est bon…

Votre musique semble être l’antithèse du rap us. Pas de bagouses, pas d’instrumentation hip hop bling bling. Vous êtes un peu des ascètes du rap ?

Al : Comme les moines ? Ah ouais ça c’est tout à fait nous ! On habite dans une grande maison à Bordeaux, tous ensemble. Et c’est vrai qu’on fait notre musique avant de se demander si c’est du rap. Donc des fois ça donne des choses rap parce qu’on en est tous nourri. Et des fois ça donne des choses à coté… Mais qu’on assume pleinement parce qu’on a une logique de groupe. Là il y a juste  Merlin et moi.   Merlin c’est lui qui fait les progs et c’est un peu le poumon du groupe. Il amène pas mal d’oxygène. Ce qu’on fait c’est tout sauf rap quoi, c’est de la musique !

Merlin : C’est de la musique rap… C’est de la rap music… C’est de la rap music à la française !

Al : Nan, mais voilà, à la base on est des potes et on fait notre délire. On fait du son depuis longtemps ensemble, même avant qu’Odezenne soit créé. Et quand on fait des morceaux ensemble, c’est vrai que tout ce qu’on essaye de faire c’est de s’épater les uns des autres. On a tous de l’estime dans ce que chacun fait ; Jako dans ses textes par exemple… Et du coup, on essaye de se surprendre et ça donne des choses…  Et voilà ! C’est Odezenne.

Ok, ca c’est Odezenne sur scène …

Al : Ah non ! Ca c’est Odezenne sur disque. Parce que Odezenne sur scène c’est un peu différent. C’est plus un mélange de bière, de Whisky et de parenthèses de la vie !  

Même sur la scène française vous êtes à des années lumières des codes classiques. Ainsi parmi vos références on retrouve France culture, France inter ou le Montreux Jazz Festival… Vous ne feriez pas du rap pour bobos ?

Al : Ah ouaiiiis ! Ca j’aime bien alors !

Merlin : Nous on fait de la musique pour nous… Que ca soit un minou de 16 ans qui vient me dire que ça le fait, que ça rap ou que je me fasse inviter à France Culture tant qu’on me dit que c’est cool ca me rassure.

Al : Moi sincèrement, j’ai du mal à saisir le concept de bobo, parce que c’est un peu galvaudé tu vois. Tout le monde l’utilise. Sois t’es un mec normal, sois t’es un bobo. Et il y a un coté un peu « ne pas avoir conscience des réalités de la vie ». En pour ca moi je suis pas du tout d’accord parce que notre rap, il est quand même imprégné d’une espèce de surconscience de ce qui se passe dans la vie d’un homme. Que ce soit l’amour ou la place dans la société, que ce soit tout cela… Aucun de nous n’est privilégié, on est tous issus de classes moyennes et on parle de ce magma moyen dans lequel vivent plein de gens en France. Moi je ne suis pas parisien, je ne sais pas ce que c’est les bobos, mais je suis ravi si je leur parle. Et tout ce qui est hype ou lié aux mouvements de mode moi ça me fait très peur ; nous on n’aime pas être catalogués. Voila on n’a pas de logo, notre premier album il ne ressemble pas au deuxième et il ne ressemblera pas au troisième. Donc si tu penses nous avoir cernés aujourd’hui, on te prouvera le contraire demain.  (Satisfait) C’est beau ca hein ? Putain j’ai de ces coups d’inspis ce soir!



La richesse de votre flow est assez jouissive. Jeux de mots, clins d’œil, c’est aussi un véritable festival pour les figures de styles. Vous ambitionnez de rafler une chaire à l’Académie (Française) un de ces jours ?

Merlin : (explosant de rire) Une quoi ? Ah une chaise tu veux dire !

Al : Bah écoute moi j’y ai jamais pensé ! Mais pour Jako ca serait quand même une belle revanche sachant qu’il a quitté l’école un peu tôt. Mais d’un autre coté je le connais, il en a un peu rien à foutre. Et moi personnellement, bah ca ferait plaisir à mon grand père. L’Académie Française nous concerne plus Jako et moi quoi ! Mathia, il fait la musique et donc lui ce serait plutôt je ne sais pas … l’Orchestre National de Vienne !

La nouvelle édition de votre album OVNI (ndlr: pour Orchestre Virtuose National Incompétent) est carrément rebaptisé Louis XIV…  La soucoupe volante se transforme en soleil… N’auriez-vous pas quand même un peu pris la grosse tête ?

Al : (Catégorique) Non, on n’a pas pris la grosse tête ! En fait Odezenne c’est un mélange entre une grande confiance de ce qu’on fait et une perpétuelle remise en question. Et par exemple, pendant la dernière répète qu’on a fait hier on s’est dit « mais putain c’est des purs morceaux, c’est pas possible que ce soit nous qui ayons fait ça ! ».

A coté, la semaine d’avant on écoutait les mêmes morceaux en se disant « Putain mais c’est carrément pourri… Qui est ce qui peut écouter ca ? ». Tu vois ce que je veux dire ? Donc la grosse tête je peux te dire froidement non ! parce qu’on est quand même persuadés que ce qu’on a fait c’est pas terrible. Par contre le Roi Soleil c’était plus pour se dire qu’on va essayer de faire quelque chose qui va durer dans le temps. Moi si j’ai un, deux ou trois morceaux qui restent dans le temps - comme je peux réécouter de vieux Gainsbourg ou des trucs qui n’ont pas pris une ride- franchement je serais ravi. Au jour d’aujourd’hui je ne suis pas sûr d’avoir produit un de ces morceaux. Mais c’est un peu le but pour nous. Donc dans ce sens, on a peut être un peu la grosse tête, parce qu’on prétend pouvoir faire quelque chose qui reste.

Merlin : Et puis le Roi Soleil ca le fait bien quand même !

Parlons un peu 7ème art maintenant. Vos clips sont particulièrement bien léchés. Des petits bijoux cinématographiques, à la fois très esthétiques et dotés d’une vraie narration. Si on vous offrait carte blanche pour faire un film, ca serait quoi, avec qui et ou ???

Al : Alors cette question elle est difficile parce que…

Merlin : On ferait un film de cul !!!

Al : (rire gras) Merlin ferait un film de cul… Moi non. Nan mais en fait cette question elle est difficile parce que tout le travail des clips on le fait en collaboration avec des jeunes réals et avec des équipes entières aussi. Je pense à Oktome, c'est des mecs de Paris; je pense à Vladimir Mavounia-Kouka c’est un type avec qui on a fait le dessin animé de Dedans; je pense à Céline; à Undi Lee, lui c’est un coréen avec qui on va sortir un clip de fou en septembre. Et on a complètement carte blanche parce qu’on produit tous nos clips. Là-dessus on a aucune contrainte on fait ce qu’on veut. Donc si un jour on fait un film, je pense qu’au niveau du sujet, il y aurait forcément du cul, il y aurait obligatoirement une remise en question du modèle de société parce qu’il y a des choses qui nous vont pas et qu’on aime bien montrer du doigt. Je pense qu’on revisiterait peut être le complexe d’Œdipe. Tu vois genre un mec qui chat sur internet, il rencontre une nana, il l’a baise gavé et après il se rend compte que c’est sa mère et il bute son père…  Ca a du déjà arriver en France.

Merlin : Ca c’est une bonne idée à garder !



Par contre si l’on devait décerner la victoire de la musique dans la catégorie optimisme ce n’est certainement pas vous que l’on choisirait ! Un peu déprimés, carrément cyniques…. Mais pourquoi sont-ils si méchants ????

Merlin : C’est pas forcément triste ! Ce sont des choses profondes. Beethoven disait « le mode mineur c’est pas forcément triste… ». Et Il y a plein de joie dans leurs textes. Ce ne sont pas forcément des moments « biens » ou « pas biens », mais des moments « forts » avant tout. Et quand c’est « fort » bah c’est « bien » et c’est tout ! Le mort de quelqu’un c’est fort, c’est bien…, ca fait chier mais tu t’en souviens toute ta vie.

Al : J’ai pas grand chose à rajouter à cette superbe réponse. Non, mais c’est vrai qu’il faut rajouter que dans la vie de tous les jours on est tout le temps en train de se marrer et donc c’est un grand paradoxe …

Merlin : (le coupant et finissant la phrase) : Parce qu’on sait que c’est la merde !



Ce soir vous avez joué dans un théâtre de verdure…. Un peu comme les tribuns antiques qui haranguaient les foules à Athènes ou Rome pour les convaincre. Le rap a-t-il un rôle politique et de revendication au sens large ?

Al : Si bien sûr. C’est vrai que sur certain morceaux qu’on a joués ce soir : Assez, ensuite il y a eu Dedans, ensuite il y a eu Existe petit bout de rien. Sur les quinze qu’on a joués, on estime avec ces trois morceaux faire le tour, au moment ou je te parle, de cette question politique. Et évidemment, si le rap nous a séduit, à la base c’est parce que c’est des morceaux où tu peux dire autre chose que juste une histoire d’amour ou une histoire de je ne sais pas quoi… Nous on veut s’inscrire dans une époque et regrouper des gens que cet aspect politique intéresse. Moi, je ne prétends pas apprendre quoi que ce soit à personne ni faire des textes de fous. Ce qu’on dit, ce sont des choses basiques et forcément sur chacun de nos albums, on aura un morceau qui se positionnera comme ca. Après, on a aussi fait le choix de ne pas faire que cela parce qu’on a l’ambition de faire de la musique et que la musique ce sont aussi d’autres sentiments et pas mal d’autres choses.  Mais bien sûr, cet aspect là du rap me plait beaucoup. Et d’ailleurs, j’ai envie de dire qu’aujourd’hui il n’y a plus que ca qui me plait dans le rap !

Ainsi si on pense à vous dans un futur gouvernement, quels serait le nom et les prérogatives de votre ministère ?

Al : Elle est pas mal son interview quand même ! On aurait eu tort de pas la faire (rire) ! Bah moi je ferais le ministère de la baiiiiiiiise…

Merlin : Moi je ferais le ministère de la cohésion sociale…

Al : Nan mais merde, la cohésion sociale dans la baise ! La baise dans la cohésion sociale ! Nan mais quand même ce qui nous reste quand même c’est ce petit moment privilégié ou tout s’efface et ou deux personnes ne font qu’un.

Merlin : Nan, on va faire un ministère des bonnes idées.

Al : Ouais, ca c’est pas mal, mais c’est quand même vachement ambitieux.

Merlin : Attention je ne dis pas que j’en ai, je dis juste que je le lancerais.

Et comment ca c’est passé avec le citoyen béarnais ce soir ?

Merlin : C’était hyper bien !

Al : Ecoute on a eu un peu peur quand on est arrivé parce que c’était un peu disséminé dans le Théatre de Verdure, mais au fur et à mesure ca s’est remplit, surtout devant et ca a beaucoup crié. Ca nous a soutenu grave et au final on a passé un très bon concert. On a senti que les gens étaient contents et nous ça nous suffit.









On peut vous poser une question un peu intime ? Quelle sont les morceaux et groupes les plus inavouables qui se cachent dans vos mp3 ?

Al : Inavouables… Dur…

Merlin : Ah si ! Moi inavouable j’aime bien le morceau de Goldman qui fait …

Al : Ah nan !

Merlin : Le truc africain là qui fait « hé ho hé hoooooooooo héééééééééé lalalalalalal ! » (il part dans un délire vocal que la décence nous interdit de retranscrire dans son intégralité). C’est hyper bien sérieux ! Mais ca le fait pas du tout d’aimer ca. C'est A nos actes manqués !

Al : Ah ouais c’est hyper bon, j’adore ce morceau et j’ai rien d’autre à ajouter.

Dans le clip de Tupuducu vous jouez aux cartes ; on retrouve une carte de tarot en pochette de Louis XIV…

Al :  (dégouté) J’étais même pas sur les cartes (cf clip) et en plus j’ai jamais fait de tarot!

Bref, vous avez donc surement déjà du avoir affaire à une cartomancienne ; Qu’a-t-elle prévu pour l’avenir d’Odezenne ?

Al : Elle nous a soufflé le slogan de ce publicitaire sans vergogne du début de l’interview « Va te faire foutre toi et ton rap ! » et alors on essaye de s’y atteler. Et voila la boucle qui est bouclée !

VA TE FAIRE FOUTRE TOI ET TON RAP !

(Propos recueillis par Max M.)








mercredi 15 août 2012

Les tribulations germaniques de I Heart Sharks



Le problème avec les jeux olympiques, c’est que la course aux médailles se fait par chaque pays de son côté, et qu’au lieu de célébrer la collaboration il conforte les fiertés nationales. I Heart Sharks n’aurait pas pu participer à la compétition car ils ont eu l’impudence de mélanger leurs provenances : New York, Londres et la Bavière réunis à Berlin. Voila une entente cordiale qui malgré une légère entorse au règlement a mené à la médaille d’or. 


Pour monter une équipe il faut quand même un langage commun, ce sera l’anglais, dans une version germanisée imitant (à dessein ?) celui des lointains faubourgs de Londres. Rien n’aurait pu aller mieux pour enrober cette new-wave-électro-math-rock d’outre-tombe qui sent l’humidité des caves et la poussière des entrepôts. Le premier single Wolves fait d’emblée froid dans le dos, à la fois par son instrumentation glaciale, son chant répétitif saturé d’échos et  par son clip minimaliste moitié danse moitié happening contemporain. Imaginez qu’ils ont appelé leur disque Summer, quand absolument aucune chanson n’évoque le début du printemps ; un peu comme Magritte et son « Ceci n’est pas une pipe ».


Ah mais non, le second single se nomme « Let’s just pretend it’s summer ». OK, des états d’âme allemands, météorologiques et/ou métaphoriques,  sur l’absence d’été au nord des Alpes. Admirez les fines lignes de guitare sur fond de synthé bouillonnant, c’est une drôle de vision de l’été mais pourquoi pas ; après tout la glace peut brûler.


Animals by I Heart Sharks on Grooveshark

Le groupe a réellement buzzé en début d’année en étant retenu comme la BO du sublime line-up du Festival de Berlin 2012, intégrant chaque groupe au cœur de la ville sur fond d’un « Und das ist die neue Geschichte », tiré de Neuzeit. Beau tremplin amplement mérité, et on aimerait bien entendre plus parler de groupes d’un pays situé entre l’Angleterre et la Suède. Un groupe c’est la façade d’un label, et voilà une porte d’entrée toute trouvée pour l’exploration des mélopées germaniques : AdP pour Auf der Platz Records. Shakespeare’s language de rigueur.


Le groupe cite The Cure et Kraftwerk comme influences ; elles sont autant évidentes par les arpèges électroniques omniprésentes que le chant désespéré de Pierre Bee, quoiqu’avec un gros soupçon de modernité bien à propos. Pourquoi une médaille d’or ? Ils mélangent des choses assez convenues dans le milieu finalement. Mais non, parce qu’en démolissant les frontières, ils ont trouvé une identité ultra forte et ultra originale, reconnaissable entre mille autres en une fraction de seconde. Ils rendent le kitsch sérieux, l’extirpant des masses radiolobotomisées pour le rendre esthétique, lui insufflant une âme tirant sa beauté de sa mélancolie, comme le « Sturm und Drang » national de jadis. Quand on en vient à évoquer l’été par des mélodies comme celles de Lies ou de Ny Bln, mieux vaut ne pas penser à leur vision de l’hiver !






mardi 14 août 2012

The Awesomest Song of the Week // Sarah Williams White : De la soul qui ne saoule pas !



Le mois d’août est la période idéale pour réaliser quelques secrètes petites folies, mêmes les plus poisseuses. Parfait donc pour risquer un petit clic de rien du tout afin d’écouter deux des coupables sucreries soul de la midinette british Sarah Williams White… Et pas un quidam ne vous prendra la main dans le sac, promis ! Les voilà en plein bad trip après l’inhalation des vapeurs doucereuses des hectolitres de crème solaire dont ils se sont aspergés, trop concentrés sur les bourrelets de cellulite de leurs voisines de serviettes…  Vous avez donc le champ libre pour assouvir ce coupable plaisir à tendance clairement RNB.


Entre les choix cornéliens dans la sélection de ses tenues bariolées de hipster qui se respecte et les heures consacrées à son nailing design des plus étudiés, celle que nous appellerons désormais SWW, trouve parfois le temps de pousser la chansonnette derrière un chanceux pied de micro.  Et surprise, la donzelle a de quoi retenir notre attention, et cela pas seulement pour son joli minois. Au-delà d’une voix délicieusement suave, elle trouve le luxe, sur quelques morceaux, d’égrener d’intelligentes mélodies portées par des arrangements plus que soignés.

Telle une funambule, SWW joue ainsi un étonnant numéro d’équilibriste au dessus d’un bol de soupe musicale fumante dans lequel le moindre faux pas risque de la faire plonger, occasionnant à coup sûr une gerbe de kitch et de mauvais gout des plus nauséeux.  Mais finalement, malgré pas mal de gazouillis vocaux plein d’emphase et des rythmiques assurément « urban », comme Hit de l’été 2012 alternatif, il n’y a pas mieux !  C’est onctueux et revitalisant à la fois, tout ce que l’on demande à un bon smoothie qui sort du frigo.

If I smile at you surnage au dessus de sa gentille et réduite discographie qui se limite pour le moment à un album autoproduit, très peu médiatisé, et à quelques singles à la dérive sur l’orbite de la planète internet. Un beat paresseux, quelques harmonies vocales langoureusement entrelacées et une flûte délicate …  Une incitation éhontée à l’oisiveté qui ravira le fainéant avachi dans sa chaise longue et renforcera à coup sûr la saveur de son morito glacé. Voila enfin une alternative au sempiternel Best Of de Bob Marley généralement incontournable dans ces circonstances.



Hide the cracks quant à elle prend la forme d’un petit caillou perturbateur jeté insidieusement au milieu de la mare de la plénitude. Froide et légèrement menaçante cette piste à l’ADN bien plus bluesy  va se charger de ramener le mollasson aux quelques réalités bassement terrestres dont il ne peut s’affranchir…  Sortir le chien, payer sa facture de téléphone, remplir le congélo…  L’occasion aussi de s’attarder sur les nappes de basse minimalistes obtenues à l’aide de salvateurs synthés qui pourraient l’amener (et pourquoi pas !) à la limite de la musique électronique.

Et si les plaisirs les plus délicieusement inutiles n’ont jamais le dernier mot, on attend toutefois avec une coupable impatience la sortie d’un album. Euh … par contre si cela pouvait se faire aux alentours de la mi-février prochaine, au moment où tout le monde se précipite pour dévaler les pistes de ski, ca serait juste idéal, vraiment ! 





mercredi 8 août 2012

The Kabeedies : l'Angleterre sous les tropiques !



Les Kabeedies, c’est comme les Clash jouant du reggae, les Stones jouant du funk ou Damon Albarn se mettant à la musique africaine : quelque chose n’est pas crédible et devient magique. Sans doute le pouvoir du melting pot anglais qui passe toutes les cultures à la moulinette, enfin une exploitation néo-coloniale positive ! Le dernier album du quatuor de Norwich, intitulé Soap, est exemplaire de mixité. Impossible de séparer les mélodies et rythmes tropicaux de leurs influences new wave terriblement anglaises. Comme un Steven Morrissey ou un Robert Smith ayant guéri de sa dépression. Ou comme Vampire Weekend découvrant la pluie et les briques britanniques, au choix...


La sublime introduction de disque, avec Hangs Ups Of The West et Elizabeth, présente bien la musique du groupe, caractérisée par une légère guitare claire, une basse au délié impeccable (lignes absolument superbes jusqu’à la dernière chanson), et une alternance de voix entre le classicisme anglais assez « street » d’Evan Jones et les envolées lyriques à la Cindy Lauper de Katie Allard. Dur de ne pas voir l’influence radicale qu’a eu Johnny Marr sur le guitariste, même si ici la hype impose de casser les rythmiques un peu plus que pendant les années 1980. Et peu de groupes (aucun ?) ne nous avait habitués à de telles performances vocales sur des instrumentations aussi spontanées. Comme si Céline Dion ou Whitney Houston avaient eu du goût.




The Kabeedies - Bones from Harry Hall on Vimeo.


L’Afrobeat se déploie encore, après le single Bones, sur Santiago, après être passé par une Drowing Doll rappelant les folies de leurs cousins de Liverpool (Hot Club de Paris). Et vient la génialissime Come Out Of The Blue (« Tomber du ciel »), avec ses couplets de vocalises en canons, entourant un refrain magnifique qui mérite de résonner dans toutes les radios du monde.

On appréciera le ton blasé et mélancolique de Underfloor Lover et son violon triste, saupoudré par ci par là de notes de synthé délicieusement dégoulinantes, et de l’écho du son des doigts arpentant les cordes de la guitare. La conclusion, LT, très dream pop, se sert d’une rythmique qu’avaient utilisé les Clash sur la très étrange Sean Flynn en 1980, c’est pas en oubliant d’où on vient qu’on devient qui on est ! Pour les fans, une ultime chansons cachée qui aurait pu servir à la BO d’O’Brother


Soap n'est pas leur coup d'essai, allez faire un tour ici pour vous faire une idée de leur précédent disque Rumpus. 


The Kabeedies from Media Centre on Vimeo.