mardi 22 novembre 2011

SLOW CLUB : Welcome to a slower world



Soufflons un peu, pour une pause méritée ou nécessaire. Une pause bucolique à base de concentré de clapotis, d’extraits de brise dans les branches et de zestes d’éclaircies. Une parenthèse musicale de calme et de fraîcheur pour prendre du recul sur la vie citadine. Tout cela est facilement accessible si on prend le temps d’écouter Slow Club, un duo pop folk de Sheffield qui soulage depuis 2006 le système nerveux de ses auditeurs.





Les ballades sont très fragiles, les cordes sont fébrilement grattées, les voix de Charles Watson et Rebecca Taylor se perchent délicatement sur les accords pour créer une atmosphère instable et terriblement séduisante. Ainsi commence le disque Yeah So, avec la chanson « When I Go ». Au moins les choses sont posées au départ, pas d’introduction survitaminée pour stimuler l’oreille paresseuse. On appellerait presque ça une comptine, servie de paroles un peu niaises (« There’s so many questions that still burn, like will you hold my hand when I go »), mais décidément,  la mixité du chant aura toujours son petit charme particulier.

When I Go by Slow Club by enbrown


Givin up on love nous secoue les puces, car il est aussi question de pop ici. En réalité il s’agit d’un triptyque, complété par It doesn’t have to be beautiful et Because we’re dead. Trois excellentes chansons, toutes aussi dynamiques, fraîches, revigorantes, avec de jolis ponts et de beaux renvois de chant. On dira même bouleversant en ce qui concerne  It doesn’t have to be beautiful , qui évoque la transition adolescent/adulte, la sensation désagréable qu’elle provoque, et l’irritation que sa seule évocation engendre !  Leave now if you just can’t stay, cause there’s nothing worse than somebody pretending away the years of their youth will never get back »).



Le folk, lorsqu’il est bien réalisé, n’a pas d’âge et donc ne sera jamais démodé. C’est le cas ici. Hormis la qualité de l’enregistrement, les ballades du disque auraient pu avoir été composées il y a dix, vingt ou quarante ans. Des soupçons de vieux blues dans  I was unconscious, it was a dream , un cas d’école de la « ballade anglaise avec piano » (There is no good way to say I’m leaving you ) qui fait penser aux meilleures années des Beatles, des Stones et de Bowie ; quant à Trophy Room elle aurait bien pu appartenir à Paul Simon, et Sorry about the doom, à Joan Baez. Une très belle tristesse pour cette dernière chanson, avec toujours les même thèmes éculés mais qui n’enlèveront jamais rien à la musique tant qu’ils serviront la perfection (« I know your heart is beating slow and out of time with mine »).

Come on Youth sert d’hymne à la jeunesse et à l’insouciance, en célébrant la vie à l’arrache et la philosophie qui l’accompagne (« Do you love to regret, or forgive and forget ? If you’re going to forget it all, cold is comfort, comfort is cold »). Madame expérimente les percussions sur bouteilles sur Apples and Pairs, encore une comptine très delicate.




Deux choses avant d’en finir avec le disque. D’abord l’indicible splendeur de " Dance Till The Morning Light", qui suffirait à justifier l’édification d’un musée Slow Club et la taille de quelques statues des deux troubadours avec écrit « Best Band Ever » dessus. Et si un nouveau pays voit le jour il pourra prendre « Our most brilliant friends » comme hymne. Enfin il faudrait un pays peuplé de personnes non patriotes et hurlant « So just dance with me, move your body round this time machine, start it again/ I just want to celebrate the fact our bodies can recreate new versions of ourselves” aux matches de foot et aux ceremonies officielles. 

Et à la fin du disque il y a une surprise, enfin si vous écoutez réellement un disque et pas un mp3, une chanson cachée ! Après quelques vrombissements caverneux, Rebecca clôt une seconde fois l’œuvre, et décide que finalement la touche finale ne sera pas enjouée mais mélancolique. Boys on their birthdays est le petit chef d’œuvre final. On appréciera le « I definitely want to be a rapper, but I’m just a northern girl from where nothing really happens » et le sinistre ultime couplet qui s’étouffe en un lancinant “The bones inside my shins are crumbling, it’s from all the crunking I’ve been doing”.



Slow Club possède un charme particulier en live, ils collent exactement à l’image de leur musique : sympathiques, timides et à l’arrache. Remerciant le public à chaque fin de chanson, tapant du pied dans les refrains, le regard fuyant et très concentré sur leur prestation, on croirait presque à une kermesse, forcés par des amis trop pressants à chanter un « petit quelque chose sans prétention qu’on a composé la semaine dernière ». Et non ! Le dépouillement de la forme n’éclipse pas le génie du fond. L’enjeu de l’enregistrement a été d’enrichir l’esthétique de leurs concerts sans la trahir, et c’est réussi. L'article du NME consacré au disque termine par "Don't call this club Slow, call it special." Pas mieux.




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